Organiser son patrimoine via une société : attention à l’abus de droit !

19 avril 2019 – Laure Varastet, Ingénieur Patrimonial ODDO BHF Banque Privée

Il est courant aujourd’hui d’avoir recours à une société civile pour faciliter la détention, la gestion et/ou la transmission d’un patrimoine familial qu’il soit immobilier ou financier.

En effet, cette société peut se révéler particulièrement intéressante par exemple pour éviter les blocages d’une indivisionIndivisionC’est une situation dans laquelle 2 ou plusieurs personnes se retrouvent propriétaires ensemble d'une même chose : logement, portefeuille de titres, meubles…, pour organiser la transmission intergénérationnelle du patrimoine qu’elle détient ou encore pour assurer la protection d’un proche handicapé…

Toutefois, la jurisprudence nous montre qu’il convient d’être vigilant : cette organisation doit répondre à d’autres motivations que la seule recherche de la réduction de la charge fiscale.

Un arrêt récent (CE, 8 février 2019, n°407641) vient une fois de plus sanctionner un montage qui paraissait, si l’on en faisait une lecture rapide, répondre à des objectifs d’organisation familiale, de conservation d’un patrimoine immobilier et de préparation de transmission d’un bien au sein de la famille.

Dans le cas visé, des époux avaient acquis une résidence secondaire, puis quelques années plus tard l’avaient cédée à leur SCI familiale (non soumise à l’impôt sur les sociétés), créée depuis plusieurs années avec leurs enfants, et dont ils détenaient 90% des parts. Pour conserver la jouissance du bien, la signature d’un bail est venue fixer les règles de fonctionnement entre les « époux locataires » et « la société propriétaire ».

Par la suite, des travaux de rénovation du bien ont été déduits des loyers perçus, et compte-tenu de l’ampleur de ces travaux, un déficit a été constaté, partiellement déductible du revenu global des associés au prorata de leur quote-partQuote-partC’est la part que chacun doit recevoir (ou payer) dans la répartition d'une somme. détenue dans la société, comme le permettent les règles de détermination du revenu imposable.

Les conséquences de cette nouvelle organisation avaient ainsi permis aux époux :

– De pouvoir déduire les charges des revenus encaissés par la SCI
– De déduire du revenu global une partie du déficit ainsi créé

Bref, de diminuer leur fiscalité !

L’administration fiscale a donc contesté cette déduction sur le fondement de l’abus de droit.

C’est le principe même de la cession à la SCI qui a été considéré comme abusif, car l’opération a été jugée n’avoir qu’un seul but, celui de contourner la non déductibilité des charges d’un bien qui n’est pas source de revenus (article 15 du CGI : les règles de l’impôt sur le revenu ne s’appliquent pas « aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ») : par cette opération, les contribuables ont créé les conditions leur permettant d’imputer des charges sur des revenus.

Pour soutenir sa position, l’administration s’est fondée sur les éléments suivants :

– Faiblesse du loyer versé par les contribuables pour conserver la jouissance du bien qui permettait seulement de rembourser l’emprunt contracté par la SCI pour l’acquisition de ladite résidence,
– Les travaux de rénovation ont été financés par le compte courant d’associé des deux époux qui l’ont alimenté au fur et à mesure des besoins,
– Le loyer était inférieur à ce qu’il aurait pu être si le bien était loué à un tiers : il ne s’agissait pas d’un loyer de marché.

Depuis de nombreuses années, la jurisprudence n’est pas avare de décisions soulignant le caractère fictif du bail mis en place avec les associés qui contrôlent la société. Dès lors, le choix d’un loyer sous-évalué par rapport au marché ne pouvait pas passer inaperçu !

Cette sanction n’est donc pas une surprise !

Nous ne pouvons que conseiller de bien réfléchir à tout montage mettant en jeu une structure et dont l’objectif « principal » est d’y trouver un allègement de la fiscalité, car à compter de 2020 avec le nouvel abus de droit gare au redressement !

 

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