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The Ladies Bank

08 Avril 2019

Diversifier son patrimoine en investissant dans l’art

En plus d’avoir une dimension plaisir, investir dans l’art peut aussi se révéler intéressant financièrement et permet de diversifier son patrimoine. Mais est-ce pour autant une classe d’actifs comme les autres ? A quoi faut-il faire attention quand on souhaite acquérir une œuvre ? Emilie Villette, Directeur du développement chez Christie’s France, a répondu à nos questions.


 

The Ladies Bank : Investir dans l’art aujourd’hui, est-ce une bonne idée ?

Emilie Villette : Acheter une œuvre d’art est d’abord une affaire de désir, de plaisir et de curiosité. C’est aussi faire entrer l’art dans son intimité, embellir son quotidien, assouvir une passion. Cette émulation esthétique et émotionnelle, cet enrichissement intellectuel constituent son principal attrait.

Toutefois, avec leur valeur croissante, les œuvres d’art et les objets de collection sont devenus une classe d’actifs à part entière, d’autant plus attractive qu’elle revêt ce caractère tangible particulièrement recherché par les particuliers fortunés ces dernières années.

Mais est-ce pour autant un investissement ? Soyons vigilants sur les mots : l’art ne saurait être considéré comme un produit d’investissement au sens des marchés financiers. L’art est un bien patrimonial avec une valeur financière. Dans une perspective de diversification, une collection est un réservoir de valeur qui peut permettre de transmettre du sens et pas seulement un capital. Financièrement, une potentielle plus-value à la revente est bien entendu possible. Mais pour les investisseurs pressés à la recherche de seules plus-values financières à court terme, l’art est risqué.

Assurément, l’art est une classe d’actifs atypique qui tient une place à part dans un patrimoine privé et c’est tout ce qui fait son intérêt.

The Ladies Bank : Quelles sont les bonnes questions à se poser avant d’acheter une œuvre d’art ?

Emilie Villette : Associer passion et raison forme une règle d’or pour qui veut se lancer dans l’acquisition d’œuvres d’art. Les collectionneurs sont divers dans leurs pratiques, leurs goûts et leurs recherches. Ils le sont aussi dans leurs objectifs et ceux-ci évoluent nécessairement au fil de la vie d’une collection. Se « faire un œil » demande du temps or plus on sollicite son regard, plus il évolue.

Ces dernières années, le marché de l’art s’est révélé de plus en plus sélectif, valorisant six critères de prix essentiels : la qualité d’une œuvre, sa rareté, son adéquation au goût du jour, sa «fraîcheur », son état de conservation et sa provenance. Tous ces critères sont importants et chacun les pondèrera selon sa propre appréciation.

La qualité et la rareté sont jugées en fonction de caractéristiques propres à chaque œuvre : notoriété de son auteur, sa date de réalisation, le sujet représenté, la technique utilisée, son format … Ainsi, au-delà du prestige du nom de l’artiste, il faut privilégier le meilleur de sa production : ce pour quoi il est recherché des collectionneurs.

Mais des critères plus subjectifs entrent également en ligne de compte. L’évolution du goût et des styles de vie, l’air du temps et certains effets de mode peuvent avoir une influence directe sur le prix d’une œuvre.

La notion de « fraîcheur » a aussi son importance. Si une œuvre est offerte pour la première fois aux enchères ou si elle est restée hors marché pendant plusieurs décennies, elle n’en sera que plus désirable. A contrario, quand une œuvre réapparaît trop rapidement en vente publique, elle peut subir une décote, voire ne pas se vendre.

Un risque qui peut également toucher les œuvres en mauvais état de conservation. Il est donc crucial, en amont d’une acquisition, de se renseigner sur cet aspect.

Par provenance ou pedigree enfin, il faut entendre la chronologie de la propriété successive de l’objet mais aussi sa présence lors d’expositions importantes ou sa mention dans des publications de référence. Les œuvres issues de collections prestigieuses ou historiques disposent ainsi d’une sorte de supplément d’âme qui impacte positivement leur valeur.

C’est à travers toute cette analyse qu’un acheteur va pouvoir s’assurer qu’il y a bien une adéquation entre la valeur d’une œuvre convoitée et son prix ! Et là est bien notre rôle auprès des collectionneurs.

The Ladies Bank : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui hérite ou qui se constitue une collection ?

Emilie Villette : Il est certain qu’acheter des œuvres d’art et constituer une collection est un cheminement, un itinéraire et, qu’en la matière, on ne peut faire l’économie du voyage. Mais encore faut-il avoir un guide de confiance ! Mon premier conseil est donc frappé au coin du bon sens : s’entourer de spécialistes sérieux et reconnus pour se prémunir autant que possible des chausse-trappes dans un marché complexe et multiforme.

Un autre conseil somme toute très pragmatique : conserver toute la documentation sur les œuvres acquises, les factures, les certificats, qui seront autant d’éléments déterminants en cas de cessions futures et de transmission de la collection.

Lorsque l’on hérite d’une collection, ma recommandation première serait de s’adresser à une maison telle que Christie’s pour solliciter la réalisation d’un inventaire. Un inventaire permet à un instant T d’avoir une vision à la fois consolidée et détaillée des valeurs qui la constitue. C’est la clef de voûte de la gestion d’une collection comme une part intégrante de son patrimoine.


Quelques exemples de ventes d’œuvres modernes sur papier – Christie’s Paris, 28 mars 2019 (© Christie’s Images Limited 2019)

Lot 67
Joan Miró (1893-1983)

L’Oiseau du bel horizon
signé ‘Miró’ (en bas à droite); daté et titré ’30/XII/69 L’oiseau du bel horizon’ (au revers)
huile, gouache, fusain et graphite sur papier
65.5 x 90 cm.
Exécuté le 30 décembre 1969
Estimation : €70 000-100 000
Prix réalisé : €93 750

Lot 1
Auguste Rodin (1840-1917)
Double portrait de Victor Hugo
signé ‘A Rodin’ (au centre à gauche)
gouache, plume et encre et lavis sur papier vergé
10.9 x 10 cm.
Exécuté vers 1883-84
Estimation : €50 000-80 000
Prix réalisé : €137 500


Quelques exemples de ventes de Dessins Anciens et du XIXe siècle – Christie’s Paris, 27 mars 2019 (© Christie’s Images Limited 2019)

Lot 61
CHARLES LE BRUN ET ATELIER (PARIS 1610-1690)
Tête de soldat persan
pierre noire, sanguine, craie bleue, lavis brun et gris, lavis de sanguine, estompe
70 x 51,3 cm.
Estimation : €30 000-50 000
Prix réalisé : €75 000

Lot 39
JAN BRUEGHEL L’ANCIEN, DIT BRUEGHEL DE VELOURS (BRUXELLES 1568-1625 ANVERS)
Voyageurs dans une forêt avec vue sur un château et une large vallée
inscrit ‘Joan brug : in : et fec’ (en haut à droite) et numéroté ‘6’ (en bas à droite)
plume et encre brune et noire, pinceau, encre brune et bleue, lavis brun et bleu, traces de gouache rouge, trait d’encadrement à l’encre brune, filigrane ancre dans un cercle surmontée de deux losanges
20,8 x 29,6 cm
Estimation : €50 000-70 000
prix réalisé : €62 500

Lot 135
FERDINAND-VICTOR-EUGENE DELACROIX (CHARENTON-SAINT-MAURICE 1798-1863 PARIS)
Etudes d’un chat et de deux lions, avec deux études d’une tête de lion
graphite, pinceau et lavis brun
23,3 x 31,6 cm.
Estimation : €7 000-10 000
Prix réalisé : €21 250

 

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