Céline Mas : « On ne devrait pas réserver l’entreprenariat qu’aux initiés »

Céline Mas, engagée pour l’égalité femmes-hommes depuis 20 ans, est présente sur tous les fronts et sous différentes casquettes : rapporteuse sur les droits des femmes pour le think tank Terra Nova, co-auteure d’un ouvrage sur les femmes et la politique, elle a pris la tête d’ONU Femmes France l’année dernière. Auteure depuis cette année ainsi qu’associée du cabinet d’études Occurrence, qui a publié récemment une étude sur l’entrepreneuriat au féminin, elle nous a présenté son projet qui joint la littérature à l’entrepreneuriat : Love for Livres.
Entre l’engagement, sa passion et ses projets, Céline Mas, femme engagée et d’inspiration, partage son expérience et ses conseils dans un témoignage exclusif avec The Ladies Bank :

Pouvez-vous nous présenter votre métier et le quotidien que celui engendre ?

Je partage mon temps entre plusieurs activités. Le développement de Love for Livres, première plateforme digitale au monde qui vous permet de trouver des livres en fonction des émotions de lecture. C’est un projet dit TechforGood, positif pour la société et dont l’objectif est de faciliter l’accès aux livres au plus grand nombre car c’est prouvé, ils changent la vie des lecteurs en bien !

Je fais également du conseil en impact social pour aider les entreprises et les institutions à lancer, structurer et évaluer des projets positifs pour la société. Par ailleurs, j’écris des livres, j’enseigne à l’ESSEC et au CELSA-Sorbonne et je donne des conférences.

Et bénévolement, je suis Présidente d’ONU Femmes France, qui représente l’agence des Nations Unies ONU Femmes en France.

Mon quotidien c’est donc de la data, du conseil, de la communication, beaucoup de lectures et d’écriture, de belles rencontres, de l’engagement. Je suis entrepreneure. Je dois être polyvalente !

Quel était le parcours qui vous a permis d’y arriver ?

Un parcours caractérisé par l’éclectisme après de longues études (Sciences Po, Celsa, Essec). Je me suis toujours dit que l’école était un levier incontournable, que le savoir apportait la liberté. En revanche, je n’ai jamais suivi de plan de carrière. J’ai cherché, travaillé dans des grands groupes, parfois je me suis trompée de chemin. Lorsque je fais quelque chose, je le fais à fond, toujours. J’aime que ça marche et que ça ait du sens. Par ailleurs, j’ai besoin d’évoluer dans des environnements où performance et création de valeur riment avec respect, innovation, équité.

Quels obstacles avez-vous rencontrés lors de la création de votre entreprise ? Comment avez-vous procédé pour la financer ?

Ce qui est complexe, c’est à la fois le sentiment qu’il y a de multiples soutiens possibles tant techniques que financiers, mais en même temps, il est difficile de flécher ce qui est véritablement utile à son projet en particulier. Or, un entrepreneur qui démarre a peu de temps, pas toujours beaucoup d’argent et une multitude de choses à faire. Dans ce cadre, l’arbitrage est essentiel. 

Du point de vue des financements, il y a en France un espace mal couvert : les aides aux entreprises qui viennent tout juste de démarrer.

Le fameux adage, « On ne prête qu’aux riches » est toujours d’actualité ! Or quand vous débutez, vous avez précisément besoin de soutien financier pour vous développer durablement.

Or, on ne devrait pas réserver l’entreprenariat qu’aux initiés – ça signifierait la perte de talents formidables et c’est pourtant ce qui arrive indirectement faute de lisibilité de l’ensemble du système de soutiens et de modalités plus souples pour les jeunes pousses.

 Entreprendre est une aventure, c’est sûr. Il est également indispensable d’écouter les différents retours sur le projet. Mais il faut aussi savoir prendre ses propres risques et affirmer sa singularité. C’est ainsi que se créent les grands projets, dans le courage de proposer aux autres quelque chose d’inédit et de très personnel : c’est un conseil pour les femmes engagées.

Ayant dépassé tous ces obstacles, quel est, à vos yeux, votre plus beau succès ?

Professionnellement, j’ai accompagné la Commission Européenne sur plusieurs gros dossiers d’évaluation de leurs actions. C’était difficile, technique, face à des interlocuteurs de haut niveau. La réussite à la fin m’a apporté beaucoup de satisfaction, un grand sentiment d’utilité.

D’un point de vie plus personnel, j’ai mis en scène Manon des Sources de Pagnol que j’ai adapté au théâtre il y a quelques années. La pièce a été jouée dans deux théâtres parisiens. Ce fut une année magnifique de vie de troupe et d’aboutissement des représentations devant un public large. C’est un grand souvenir pour moi.

Par ailleurs, mon roman Le jour où Maya s’est relevé vient de sortir aux Editions Leducs. Un roman sur le burnout, je l’espère utile.

Pour le reste, je crois que depuis toutes ces années de vie de femme autonome, je suis restée fidèle à mes valeurs, à ce que mes parents m’ont inculqué de plus précieux. C’est sans aucun doute mon plus grand succès. 

Auriez-vous des conseils pour des femmes engagées ?

Choisissez une cause qui vous transporte. L’engagement, ce sont des moments merveilleux mais aussi des sacrifices. Sur votre vie de famille, sur votre temps personnel. Donc il faut être totalement convaincu par le bien-fondé du sujet. Il n’y a pas de tiédeur quelle que soit l’envergure de vos actes. Pas d’hésitation possible une fois que vous êtes lancé. Car d’autres comptent sur vous. Les activistes bien sûr mais surtout les personnes qui attendent votre soutien. Vous avez une responsabilité et un monde meilleur dépend de vos actions.

 

 

à lire aussi