Les investisseurs doivent-ils s’intéresser de près à la géopolitique ?

Voilà plusieurs années que les chocs géopolitiques se succèdent. Guerre en Ukraine, crise au Moyen-Orient, tensions entre la Chine et Taiwan, puis plus récemment, crise politique en France suite aux élections européennes… à quel point ces évènements impactent-ils la performance des marchés ? Faut-il connaître ces mécanismes pour bien investir ? Éclairages et perspectives historiques.

Ce que craignent les marchés

En France, la dissolution de l’Assemblée nationale (AN) annoncée le 9 juin a semé un vent de panique sur la Bourse de Paris. Le CAC 40 a perdu plus de 6 % en une semaine, effaçant tous les gains de l’année. Le précédent record de chute hebdomadaire de l’indice remonte à mars 2022, au moment de l’invasion russe en Ukraine.

Le point commun entre ces deux événements ? L’incertitude qui en découle. Dans le premier cas, la dissolution fait planer le doute autour d’une possible cohabitation qui rendrait « la conduite de la politique économique et budgétaire moins prévisible à court terme », affirme Bruno Cavalier, chef économiste de ODDO BHF. Dans le second, l’attaque russe a entraîné un choc d’offre aussi inattendu que la pandémie et causé de la même manière, souligne notre expert, « une réaction en chaîne » : perturbations des approvisionnements, flambée des prix de l’énergie, hausse des coûts de production et baisse du pouvoir d’achat des ménages… Face à tant de facteurs disruptifs à l’issue incertaine, les bourses mondiales ont décroché.

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 Un impact durable ?

Pour reprendre l’exemple de la dissolution de l’AN, la Bourse de Paris s’est relativement vite redressée. Mais les rebonds rapides font-ils figure de règle ou d’exception dans l’histoire des marchés ?

Selon une récente analyse couvrant plus de 80 ans de données financières1, les événements géopolitiques ont rarement eu un impact durable sur les marchés actions des grandes capitalisations. Parmi les exceptions à ce constat : le choc pétrolier de 1973, dont les répercussions négatives sur les rendements des actions ont duré un an. Par comparaison, l’impact boursier de la guerre en Ukraine fut moins sévère, explique l’étude, et ce, en raison de différences structurelles entre les deux chocs.

Les événements géopolitiques majeurs affecteraient davantage les marchés locaux, souligne l’étude. Un exemple : au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, les petites capitalisations allemandes ont largement sous-performé les grandes, et même les petites capitalisations d’autres pays développés. Pourquoi ? Parce que ce sont elles qui ont le plus souffert de la flambée des prix de l’énergie et le plus perdu en compétitivité industrielle, du fait de leur dépendance au gaz russe.

 Quoi qu’il en soit, les chocs géopolitiques créent bel et bien un climat d’incertitude et de volatilité sur les marchés, tant à court qu’à moyen terme. Or, qui dit incertitude, dit risques accrus. Comment gérer le risque associé à des marchés imprévisibles ?

Retour aux fondamentaux

Les règles d’or de l’investissement s’appliquent en toutes circonstances et s’avèrent particulièrement judicieuses en période d’instabilité géopolitique.

Première étape : analyser votre sensibilité au risque, c’est-à-dire la somme que vous seriez prêt à perdre dans le cadre d’un investissement donné. Elle dépend, pour chacun :

En fonction de votre degré de tolérance au risque, vous choisirez un placement qui minimise le risque de perte ou, au contraire, offre les meilleures perspectives de gain à long terme pour une prise de risque plus importante.

 Autre stratégie incontournable pour se prémunir contre l’imprévisibilité des marchés : diversifier ses placements. Cette diversification peut être sectorielle, géographique, par classe d’actifs et/ou par taille de capitalisation boursière… En diversifiant vos investissements, vous réduisez votre exposition aux événements disruptifs dans une région ou un segment de l’économie en particulier.

Les fonds constituent d’excellents véhicules de diversification, à condition de respecter la durée d’investissement minimale recommandée. Plus un fonds est risqué, plus l’horizon de placement est long afin de lisser les fluctuations du marché et de maximiser les chances de rendement potentiel.

 Enfin, il convient de se tenir informé de l’actualité et de consulter les points marchés des experts qui fournissent de précieux éclairages aux investisseurs. Vous pourrez ainsi réévaluer votre portefeuille et effectuer les arbitrages qui vous permettront de saisir les opportunités qui se présentent, tout en sous-pondérant les actifs moins porteurs.

Demandez conseil à votre banquier privé.

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1How do geopolitical shocks impact markets?, article publié le 24 mai 2024, J.P.Morgan Private Bank

Inflation, taux d’intérêt : approche-t-on du pic ?

En décembre 2022, l’inflation en zone euro atteignait 9,2 %, un taux en recul par rapport aux mois précédents mais toujours historique. Aux États-Unis, elle s’établissait à 6,2 %, là encore après des niveaux inédits. Le pire est-il maintenant derrière nous ? Comment réagiront les banques centrales en 2023 ? Éléments de réponse.

Hausse des prix : la désinflation est en marche

L’inflation aura été la principale préoccupation des ménages en 2022 et elle continue aujourd’hui de peser sur leur budget. De l’avis des experts toutefois, la désinflation, c’est-à-dire la baisse de l’inflation, serait bien engagée à l’échelle mondiale « pour les prix des biens, mais pas encore pour les services », précise Bruno Cavalier, chef économiste de ODDO BHF, dans son dernier éditorial.

Selon une étude du cabinet EY, le prix des biens manufacturés (véhicules, ordinateurs, vêtements…) aurait diminué de 1,1 % en décembre 2022, essentiellement grâce à la baisse des prix de l’énergie. Tirée par une pression haussière sur les salaires, l’inflation dans les services (logement, transport, restauration, hôtellerie…) continue, elle, de progresser mais moins vite qu’il y a quelques mois.

Dans ce contexte, les perspectives d’inflation sont bien orientées affirme Bruno Cavalier, qui prévoit une inflation inférieure à 3 % d’ici fin 2023 aux États-Unis comme en zone euro. « Ce n’est pas encore le retour sur les cibles [2 %] mais presque », ajoute-t-il.

Hausse des taux : le plus gros du chemin est parcouru

Nous l’avons vu, des forces désinflationnistes sont à l’œuvre. Les banques centrales vont-elles pour autant assouplir leur politique monétaire et mettre fin au cycle de hausse des taux d’intérêt ?

Rappelons tout d’abord que la hausse des taux directeurs est l’une des principales armes des banques centrales pour contrôler l’inflation, parce qu’elle décourage l’emprunt (plus cher) et encourage l’épargne, ce qui tend à ralentir l’économie, la demande et à réduire la pression sur les prix.

Aux États-Unis, le cycle de hausse des taux par la Fed (la banque centrale américaine) a démarré en mars 2022 : son taux directeur se situe désormais entre 4,25 % et 4,50 %, un niveau inédit depuis la crise financière de 2008. En zone euro, ce cycle a été amorcé par la BCE (banque centrale européenne) en juillet 2022, portant le taux principal de l’institution à 2,50 % actuellement.

Le durcissement monétaire de la Fed a permis un contrôle de l’inflation plus rapide outre-Atlantique, où la désinflation est désormais actée, qu’en zone euro où le repli est plus tardif.  Mais les deux institutions laissent entrevoir une poursuite de la hausse des taux, quoiqu’à un rythme plus lent, et ce, afin de se rapprocher de l’objectif d’une inflation à 2 %. Autrement dit, pas de « gros » bonds de 0,75 % à l’instar des précédentes annonces, mais une hausse plus forte et durable en zone euro qu’aux États-Unis.

Inflation : taux global v/s taux sous-jacent

L’inflation globale prend en compte l’ensemble des prix des produits au sein d’un panier type, dont ceux de la nourriture et de l’énergie qui ont tendance à être beaucoup plus volatils et sujets à des pics d’inflation.

L’inflation sous-jacente, elle, est calculée à partir d’un indice des prix dont on soustrait les composants volatils (nourriture, énergie) et à ce titre, représenterait mieux la vraie tendance de l’inflation. Voilà pourquoi Laurent Denize, Global Co-CIO chez ODDO BHF, affirme : « L’évolution de l’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie et des denrées alimentaires) sera déterminante pour la suite des événements. Ce n’est que lorsque cette inflation-là diminuera également que les banques centrales pourront mettre fin à leur politique monétaire restrictive ».

> Lire l’analyse de Laurent Denize

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Parité euro-dollar : quels impacts sur les consommateurs ?

Depuis l’été 2022, la monnaie unique s’est fortement dépréciée face au billet vert. En 2008, on pouvait acheter, pour un euro, 1.60 dollar. Aujourd’hui, pour un euro, on ne peut plus acheter qu’un dollar. Crise sanitaire, inflation, guerre en Ukraine… les raisons de cette dépréciation sont multiples. Pour les ménages européens, un euro plus faible se traduit avant tout par une perte de pouvoir d’achat. Comment ? Découvrez nos explications.

Pourquoi l’euro baisse-t-il par rapport au dollar ?

Lancée en janvier 1999, la monnaie unique a d’abord connu des débuts hésitants avant de se réévaluer puis d’atteindre un plus haut historique, le 15 juillet 2008. Un euro valait alors 1,60 dollar.

Depuis, l’euro a connu une première baisse jusqu’en 2015 et s’est stabilisé autour de 1,15 dollar jusqu’à fin 2021.

La baisse actuelle, entamée début 2022, a conduit à la parité euro-dollar (1 euro = 1 dollar) et ce, pour la première fois en 20 ans. C’est une diminution de 18 % depuis l’introduction de la monnaie unique.

Comment l’expliquer ? Par une combinaison de facteurs (crise sanitaire, inflation, guerre en Ukraine, crise énergétique) qui freinent la croissance en zone euro et réduit l’attractivité de la monnaie unique sur le marché monétaire. Moins recherché par les investisseurs, l’euro se déprécie.

À ces facteurs s’ajoutent l’attractivité du dollar dans sa fonction de valeur refuge en temps de crise, ainsi que le différentiel de taux en défaveur de l’euro. Pour contrer l’inflation, la Réserve fédérale américaine (équivalent de la Banque centrale européenne, BCE) a entamé un cycle vigoureux de hausse des taux directeurs dès le mois de mai 2022, renforçant l’attractivité du billet vert. De son côté, la BCE a attendu le mois de juillet pour augmenter ses taux directeurs une première fois.

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> Parité euro-dollar : tout comprendre en sept questions (site du Service public)

Pourquoi le dollar est-il la monnaie de référence ?

Pour le comprendre, il faut remonter au système de Bretton Woods mis en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son objectif : organiser le système monétaire mondial autour du dollar américain, seule monnaie désormais convertible en or, selon une parité fixe de 35 dollars pour une once d’or. Traduisant la puissance économique des États-Unis, le dollar devient la monnaie de réserve des banques centrales « qui conservent sous forme d’avoirs en dollars une partie importante de leurs réserves de change. Cela reflète la confiance en la stabilité de cette monnaie, comme l’illustre la formule ‘as good as gold’, le dollar apparaissant comme aussi bon que l’or », rappelle le site du Service public.

Depuis, le dollar a conservé son statut de première monnaie de réserve mondiale.

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Baisse du pouvoir d’achat des consommateurs européens

La baisse de l’euro par rapport au dollar renchérit le prix des produits importés des États-Unis ou facturés en dollars. Les consommateurs européens doivent donc dépenser plus d’euros pour se payer ces biens ou voyager en zone dollar. Conjuguée à l’inflation, cette situation réduit davantage encore leur pouvoir d’achat de produits importés… ce qui peut, d’un autre côté, encourager la consommation de produits européens !

En revanche, les touristes américains ou rémunérés en dollars passent des vacances moins chères en Europe.

Hausse des prix de l’énergie

La faiblesse de l’euro aggrave les effets du choc d’offre énergétique et des éventuelles pénuries résultant de la guerre en Ukraine. Le pétrole et le gaz étant libellés en dollars, consommateurs et entreprises de la zone euro payent désormais plus cher le transport, le chauffage et l’électricité.

Les pays exportateurs, gagnants d’un euro plus faible

Outre le tourisme européen, ce sont les entreprises exportatrices de la zone euro qui profitent d’un euro plus faible puisqu’elles vendent leurs produits moins chers sur les marchés mondiaux.

C’est le cas notamment des secteurs industriels en Allemagne et aux Pays-Bas ou encore des secteurs du luxe, du vin et agroalimentaire qui s’exportent bien outre-Atlantique, comme les produits français ou italiens.

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