Tensions sur les marchés de taux

Avec un gain de 5 % le mois dernier, l’indice MSCI Monde a connu sa plus forte progression pour un mois de janvier sur les trente dernières années. 

Visiblement, le mois de février s’inscrit sur une tendance différente puisque les indices mondiaux ont cédé environ 2 % sur la semaine. De nombreux facteurs peuvent expliquer ce fléchissement des facteurs techniques (marché suracheté, prises de profit, etc.) mais aussi des facteurs fondamentaux. Parmi ceux-ci, il nous semble important de mettre en exergue le comportement récent des taux d’intérêt. Depuis le début de l’année, les rendements se sont tendus de 40 points de base sur le T-bond US, de 30 points de base sur le bund allemand pour atteindre respectivement 2,8 % et 0,7 %. On observe des mouvements d’ampleur similaire sur l’ensemble des emprunts souverains, en Asie, en Amérique et en Europe.

La hausse des taux souverains a des conséquences importantes sur toutes les classes d’actifs. 

– Il y a d’une part une question de valorisation.

Le prix théorique d’une action est la somme actualisée de cash-flows ou dividendes futurs. La hausse des taux d’intérêt fait mécaniquement baisser, toutes choses égales par ailleurs, le prix des actions. Il convient d’insister sur le « toutes choses égales par ailleurs » car si la croissance accélère, l’impact négatif de la hausse des taux sera compensé par l’impact positif de la hausse des profits et des dividendes.

– D’autre part, après le canal financier que nous venons d’évoquer, la hausse des taux peut impacter les actifs via le canal économique.

La hausse des taux, si elle est conséquente et soutenue, pourra affecter l’activité des entreprises – via l’investissement – et/ou leurs comptes d’exploitation – via les frais financiers. Là aussi, tout n’est pas automatique. Dans un environnement de croissance soutenue, la hausse des taux souverains ne se retransmet pas intégralement aux taux d’emprunt des entreprises car les investisseurs sont prêts à accepter une baisse de la prime de risque, via une réduction des différentiels de rendement (spreads) entre souverains et secteur privé. C’est d’ailleurs ce qu’on observe depuis le début de l’année : le taux des obligations à haut rendement n’a pas bougé depuis le début de l’année à 3,3 %. La compression des spreads a absorbé la hausse des taux souverains.

On peut faire tourner les modèles et se triturer les méninges, mais pour nous, gérants de portefeuille, la réalité est simple. 

Si les taux ne montent pas trop vite, pas trop fort, il n’y pas de raison de s’inquiéter outre-mesure. Il s’agit plus ici d’intuition que d’expertise scientifique – que signifie précisément « pas trop vite, pas trop fort » ? – mais on sent bien que si le mouvement actuel de hausse des taux accélère, la volatilité fera son retour sur les marchés d’actions (elle est déjà revenue sur les marchés de la dette souveraine).

Alors quid de cette hausse des taux ? 

Tout le monde, nous y compris, annonce l’imminence du retour de l’inflation et de la hausse des taux. Tout le monde se trompe depuis des années. Il est difficile de savoir si c’est la bonne cette fois-ci.

Mais comme nous le disait récemment l’un des gérants obligataires de ODDO BHF Asset Management, si les taux ne montent pas maintenant, ils ne monteront jamais, du moins pas avant longtemps.

En effet, avec l’accélération du cycle économique, la hausse des prix des matières premières, la fin effective ou à venir des politiques de Quantitative Easing, tous les éléments sont réunis pour que l’inflation accélère et que les taux montent. Pour résumer, nous dirons que les marchés obligataires sont asymétriques : le potentiel de baisse des taux est quasiment nul, alors que le risque de dérapage est loin d’être nul. Cela nous conduit à être prudents sur la partie obligataire de nos portefeuilles, où nous privilégions les durations courtes et les stratégies de portage, mieux à même de résister dans un environnement de hausse des taux.

En ce qui concerne les actions, nous ne percevons pas cette asymétrie. 

Comme nous l’avons dit, les actions peuvent monter même quand les taux montent, on l’a vu au mois de janvier. La vigueur du cycle économique mondial constitue un puissant levier pour les bénéfices des sociétés. En effet, comme cela a été dit, si les taux montent, c’est parce que l’économie va mieux. Le risque déflationniste s’éloigne. Par ailleurs, il est préférable que les taux remontent avant que ne se mettent en place de vraies bulles de crédit comme celles que l’on a connues au début des années 2000. Néanmoins, nous prenons soin à équilibrer les portefeuilles. Dans l’environnement actuel, il faut éviter d’être trop exposé aux secteurs les plus sensibles à la hausse des taux, comme les services publics, les services immobiliers, ou certaines valeurs défensives qui se payent un peu cher. Inversement, les valeurs financières ont un certain attrait car elles peuvent profiter d’un environnement plus porteur quand la courbe des taux se pentifie.

Après un début d’année euphorique, les semaines qui viennent s’annoncent un peu plus difficiles. Mais, à ce stade, il n’y a pas de raisons de s’inquiéter outre-mesure. Il faudra juste s’habituer à un peu plus de volatilité. 

 

Hugues de Montvalon
Responsable de la Recherche
ODDO BHF Banque Privée
Rédigé le 2 février 2018

Les avis et opinions que ODDO BHF Banque Privée est susceptible d’émettre notamment sur les marchés et/ou les instruments financiers ne peuvent engager sa responsabilité. Ces informations sont données à titre purement indicatif et ne sauraient, en aucun cas, constituer une incitation à investir ou à conclure tel ou tel type de transaction.

 

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  • Hugues de Montvallon, auteur de cet article, appartient à l’équipe d’experts des marchés financiers de ODDO BHF Banque Privée.
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