Portrait – Isabelle de Kerviler

The Ladies Bank vous propose un nouveau type de publication : une série de portraits de femmes engagées dans la société, à titre personnel et/ou professionnel. Découvrez leur histoire, leur parcours, leurs passions et les missions qui les animent.

Pour ce premier témoignage, Yasmina Brasseur, notre ingénieur patrimonial, a interviewé Isabelle de Kerviler, Commandeur de la Légion d’Honneur, expert agréée par la Cour de Cassation, Expert-Comptable – Commissaire aux Comptes et Associé du Cabinet Caillau Dedouit et Associés.

Isabelle, pouvez-vous nous présenter votre métier ?

J’ai 2 activités principales : l’audit et la politique. Ces deux métiers sont à la fois différents et très complémentaires.

L’audit est le métier de la rigueur et la politique celui de l’empathie.

Chacun de ces métiers m’aide à exercer l’autre et me passionne tout autant.

Très concrètement, quelles sont vos activités au quotidien ?

  • Dans mon métier d’auditeur, nous fonctionnons en pilotage de projet ; les équipes changent donc avec chaque mission. Mon défi consiste à créer une ambiance d’équipe et inspirer une motivation, dans les moments de travail, mais aussi à la fin des missions, lors d’événements plus informels (déjeuners…).
  • Ma journée défile vite entre les appels clients, les points à faire avec les collaborateurs sur l’avancement des dossiers, la veille permanente sur notre métier…
  • Je travaille également beaucoup la nuit, une habitude que j’ai prise quand je faisais de la politique et que je n’ai jamais perdue ! Quand mes enfants étaient petits, c’était le seul moment tranquille pour avancer sur mes dossiers et sans être interrompue par le téléphone. Une heure de vélo d’appartement, les actualités économiques… je me couche rarement avant 2h du matin !

Quel a été votre parcours pour y arriver ?

J’ai été diplômée de Sciences Po à 19 ans. Le secrétaire général de cette école m’avait convoquée en me disant : « Vous sortez de la rue Saint Guillaume à l’âge où les jeunes gens y entrent ». Effectivement, j’y suis entrée très jeune, en préparant en parallèle une licence de sciences économiques à Assas.

Je suis très organisée et j’ai une grande rigueur de travail ; j’apprends vite et j’ai toujours – à Sciences Po – compensé ma jeunesse par cette soif d’apprendre.

Quand je suis rentrée chez moi pour annoncer à mon père que j’avais obtenu mon diplôme et voulais désormais travailler et entrer dans un parti politique, il m’a répondu : « Mais, d’abord tu vas te marier et avoir des enfants ! » Bien sûr, je n’ai pas suivi son conseil…

Pour mon premier emploi, j’ai opté pour un poste d’assistante à la direction financière de Creusot Loire.

Etre une femme dans un milieu d’hommes : comment l’avez-vous vécu ?

  • J’ai fait l’expérience de beaucoup de réunions professionnelles en étant placée en bout de table, seule femme, sans que personne ne s’adresse à moi…
    Jean Fourastié, dont j’étais alors assistante, m’a même dit un jour : « Vous avez 3 choses à vous faire pardonner : vous êtes jeune, belle et femme ».
  • Je me suis dit que les deux premières qualités ne duraient pas alors que la 3e était immuable. Ce fut le meilleur conseil de ma vie !
  • Ce que je savais, c’est que je n’avais pas le droit à l’erreur : pour s’imposer, il fallait être irréprochable et travailler deux fois plus que les hommes.

C’est un vrai frein dont je me suis rendue compte : celui de craindre de se tromper et de perdre immédiatement toute sa crédibilité.

  • J’aime d’ailleurs beaucoup cette phrase de Françoise Giroud que j’ai eu le bonheur de connaître : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. »

Quel a été votre principal atout dans votre réussite ?

  • Refuser d’aller là où j’étais attendue ! Je me suis toujours orientée vers des postes à dimension financière, et non pas là où l’on m’attendait dans l’éducation, le social ou la culture.
  • En 1992, je suis ainsi devenue – Jacques Chirac étant à l’époque Maire de Paris – le premier Adjoint au Maire chargé du développement économique; ce domaine n’avait jamais été attribué à un Adjoint au préalable.
  • Aujourd’hui encore, je suis l’une des rares femmes à conseiller des opérations d’apport ou de fusion de plusieurs milliards d’euros.

Comment s’est déroulé votre parcours politique ?

  • Elue en 1983 au Conseil de Paris, j’étais à la fois conseillère municipale et conseillère générale, Paris étant une ville et un département.
  • Mes deux mentors politiques ont été Jean-Pierre Fourcade à mes débuts et Alain Juppé. J’ai beaucoup bénéficié de leur aura dans ma vie politique et ils m’ont beaucoup protégée, ce qui m’a amenée à surtout voir les bons côtés de la vie politique.

La conclusion que j’en tire, c’est qu’il me semble primordial de rencontrer des personnes qui nous inspirent. On ne fait jamais un parcours seul !

Votre engagement professionnel, politique et votre vie de famille : comment arrivez-vous à les concilier ?

  • Je me suis mariée à 20 ans, et ai eu mes enfants très jeune, à 22 et à 24 ans. Parallèlement, j’étais à la Chambre de Commerce de Paris et je passais l’Ecole du Louvre. C’est grâce au soutien de mes parents et de mon mari que j’ai réussi à tout concilier. Mon mari était un père très investi et nous avons pris en charge l’éducation de nos enfants de manière très égalitaire. D’ailleurs, l’une de mes filles disait quand elle était enfant : « Maman n’est pas maman poule mais papa est un peu papa coq ».
  • Comme je faisais beaucoup de déplacements, j’avais instauré un rituel : mes filles glissaient un dessin dans ma valise dont je prenais connaissance à mon arrivée et je les appelais pour le commenter. Elles avaient ainsi l’impression d’être un peu avec moi.

Quel a été votre plus beau succès, à vos yeux ?

Sans ma vie de famille, je n’aurais pas autant savouré ma vie professionnelle et politique.

Mon plus beau succès est donc, incontestablement, ma famille, mes enfants et mes petits-enfants.

Qu’avez-vous transmis à vos enfants ?
J’ai transmis à mes enfants le goût de l’effort et l’audace ! Il faut aller au bout de ses revendications ; or je constate que beaucoup de femmes n’osent toujours pas le faire dans leur vie professionnelle. J’ai été élevée par une mère toujours enthousiaste pour tout ce que je faisais et cela m’a donné de la force pour réaliser au fur et à mesure tous mes projets de vie.

J’ai toujours eu du culot, puisqu’on n’a rien sans rien.
Je dis donc aux femmes, en plus de « ne vous résignez pas » (conseil de mon amie Gisèle Halimi) : OSEZ.

Quelles sont vos actualités, rêves ou projets à court terme ?

  • Refaire de la politique auprès des jeunes élus pour leur apporter mon expérience dans le domaine du développement économique et de la compétitivité.
  • A titre personnel, je vais prendre des cours de photo à la rentrée.
  • J’ai aussi nourri une passion pour le Moyen-Orient et je voudrais approfondir mes connaissances sur son histoire.

Avoir des projets, c’est ce qui permet de continuer d’avancer.

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