Les dividendes au temps du Coronavirus : dans le doute mieux vaut s’abstenir

La tenue des assemblées dans le contexte actuel ?

Avec l’impératif du confinement, il a fallu adapter l’ensemble des règles régissant la tenue des assemblées car dans ce domaine rappelons-le, le principe, à de rares exceptions près, est celui de l’organisation d’une réunion collective « physique » encadrée par un formalisme rigoureux dont le non-respect est souvent sanctionné par une nullité.

En conséquence, le Gouvernement a par voie d’ordonnance modifié les règles applicables pour la tenue des réunions et des délibérations des assemblées ainsi que le calendrier de présentation et d’approbation de leur documentation comptable et financière.

Le texte permet ainsi :

– De reporter de trois mois la date limite de tenue de l’assemblée annuelle.
– De faciliter la convocation des actionnaires pour les sociétés cotées : un envoi postal des convocations n’est plus nécessairement requis et tout autre mode, jusque-là considéré comme irrégulier, ne sera plus considéré comme nul.
– De dématérialiser les obligations préalables de communication et d’information.
– De tenir ces assemblées sans la présence physique des membres et autres personnes ayant le droit d’y assister (huis clos). La participation par conférence téléphonique ou audiovisuelle est donc autorisée.
– De voter sans être présent : outre l’envoi d’un pouvoir et les votes par correspondance, les votes organisés par conférence téléphonique ou audiovisuelle sont valides.

La durée d’application de ces mesures, en vigueur depuis le 12 mars, est prévue jusqu’au 31 juillet prochain, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre prochain.

En parallèle, le calendrier de présentation et d’approbation de la documentation comptable et financière a été prorogé de trois mois.

Les assemblées vont donc pouvoir se tenir dans des conditions raisonnables de sécurité juridique et matérielle, c’est un premier point qui mérite d’être souligné. Reste à savoir ce que vont « contenir » ces réunions notamment sur l’épineuse question du dividende ?

Distribuer des dividendes dans le contexte actuel ?

Dans le contexte particulier, les sociétés, petites ou grandes doivent s’interroger sur le bien-fondé d’une distribution car il n’y a pas de réponse univoque ; d’autant que bien que se rapportant à l’affectation du bénéfice de l’année antérieure c’est aussi face aux perspectives à venir que la décision doit se prendre.

Le Gouvernement et certaines autorités ont tenté de fixer les règles :

– Tout d’abord, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé vendredi 27 mars l’interdiction de verser des dividendes pour les entreprises bénéficiant d’un report de charges sociales ou fiscales, ou d’un prêt garanti par l’Etat.
– Puis il a appelé, lundi 30 mars, les entreprises ayant recours à des mesures de chômage partiel face à l’épidémie de Covid-19 à ne pas verser de dividendes.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) lui a emboité le pas, et précisé que les établissements de crédit et les sociétés de financement devaient s’abstenir « de distribuer des dividendes et d’effectuer des rachats d’actions destinés à rémunérer les actionnaires pendant la période de choc économique lié à la pandémie », et ce, « au moins jusqu’au 1er octobre 2020 ».

Quelles sont les règles applicables ?

Le 2 avril dernier le Gouvernement a annoncé que les grandes entreprises qui demandent le report de paiement de leurs échéances fiscales et sociales doivent s’abstenir de distribuer et de procéder à des rachats d’actions entre le 27 mars et le 31 décembre de cette année.

Sont concernées les entreprises qui, au titre de leur dernier exercice clos :

– Employaient au moins 5 000 salariés.
– Ou dont le chiffre d’affaire consolidé était supérieur à 1,5 milliard d’euros en France.

Pour bénéficier d’un report d’échéances fiscales, elles devront souscrire à un engagement de responsabilité en remplissant leur demande :

– L’engagement de ne pas verser de dividendes qu’ils soient en numéraire ou en actions, ni aucune forme de distribution (acomptes sur dividendes ou distributions de réserves) si la décision devait être prise depuis le 27 mars, sauf si, dans le cas de groupes, elles ont pour effet de soutenir financièrement une société française.
– L’engagement de ne pas procéder à des rachats d’actions.

Quelles sanctions ?

Pour ceux qui ne respecteraient pas leur engagement, les sanctions applicables seraient :

  •  Le paiement des échéances reportées.
  • Les pénalités de retard de droit : 5% de majoration et 0,2% par mois de retard appliqués à compter de la date d’exigibilité initiale de l’échéance reportée.
  • Et ces sommes devront être acquittées immédiatement, sans délai négociable…

Au-delà, d’une manière plus générale et pour toutes les sociétés, la prudence s’impose et les lignes directrices de précaution suivantes devraient permettre de les guider :

  • La distribution ne doit pas hypothéquer la situation financière de la société et la continuité de l’exploitation qui doit s’apprécier à la date de l’assemblée.
  • La distribution doit être compatible avec les investissements d’avenir nécessaires post crise sanitaire.
  • Enfin l’entreprise doit d’être exemplaire, face au risque de réputation et quelle que soit la décision, maintien / réduction / suppression du dividende, l’important pour l’entreprise sera d’être en mesure de la justifier en termes de prudence, de responsabilité et de solidarité.


Laure Varastet
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 21 avril 2020

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