« L’économie mondiale émerge d’un hiver rude » par Hugues de Montvalon

Hugues de Montvalon, banquier privé, chez Oddo et Cie décrypte l’économie mondiale dans sa chronique des marchés

Deux fois par an, en avril et en octobre, le FMI publie ses « perspectives de l’économie mondiale »

Il nous y livre ses prévisions de croissance pour l’année en cours et l’année suivante. Ce document est sans doute la somme la plus exhaustive, la plus sérieuse que l’on peut trouver en matière de prévisions économiques.

Tout le monde est unanime à reconnaître que sous l’impulsion d’Olivier Blanchard, directeur de la Recherche entre 2008 et 2015, le FMI a étoffé sa palette. Ce n’est plus simplement la machine à répéter le « Consensus de Washington » (le nom donné à la doxa économique dans les années 1990-2000 : dérégulation – ouverture au commerce international – maîtrise des déficits) mais un vrai foyer de recherche, qui n’hésite pas à se remettre en question. C’est pourquoi il faut regarder de près les prévisions du FMI, ne serait-ce que parce qu’elles constituent l’ancrage autour duquel s’articulent les différentes visions que l’on peut avoir de l’état de l’économie mondiale.

À première vue, les projections du FMI n’ont rien de bien enthousiasmant

D’ailleurs, ce dernier n’hésite pas à titrer sa publication « Une croissance trop faible depuis trop longtemps ». Tout un programme… De surcroît, le Fonds a abaissé une nouvelle fois ses prévisions de croissance sur 2016 et 2017. Il table désormais sur une expansion de la production mondiale de 3,2% en 2016 et 3,5% en 2017, soit une différence respective de 0,4 et 0,3 point de croissance par rapport aux prévisions d’octobre dernier.

Cela dit, s’il est facile de voir le verre à moitié vide, il ne faut pas non plus négliger l’hypothèse du verre à moitié plein. Tout d’abord, une croissance de l’ordre de 3% représente un chiffre tout à fait honorable d’après la croissance moyenne observée ces 35 dernières années (3,3%). Ensuite, notons que le FMI a relevé ses prévisions de croissance pour la Chine en 2016 de 6,3 à 6,5%. Bien sûr, cela reste modeste et même peu significatif compte tenu du manque de fiabilité des statistiques chinoises.

Mais déjà le FMI n’a pas baissé ses prévisions, et quand on mesure les difficultés auxquelles est confrontée l’économie chinoise, ce n’est pas une mince affaire. En outre, l’institut note que la Chine a réussi à limiter les sorties de capitaux hors de son territoire. C’est une bonne nouvelle car on sait que nous avions là un point important de fragilité de l’économie chinoise.

L’erreur du FMI en 2015 (et de beaucoup d’économistes) est d’avoir sous-estimé les impacts négatifs de la baisse des prix du pétrole et des matières premières sur l’économie mondiale.

La détérioration des termes de l’échange(*) a été très forte dans les pays producteurs de matières premières. La baisse des investissements dans les secteurs de l’énergie et des mines n’a pas été compensée par une hausse de la demande domestique dans les pays importateurs.

De plus, le choc de l’hiver 2015-2016, qui a vu le pétrole revenir vers 30$ le baril, s’est accompagné d’une montée de la volatilité sur les marchés financiers. Celle-ci a sans doute contribué à affaiblir davantage la croissance mondiale, en freinant les projets d’investissement et la consommation dans les économies développées.

A l’automne dernier, nous étions entourés d’incertitudes : quid du pétrole, de la Chine, des pays émergents ?

Aujourd’hui, il serait excessif de dire que ces incertitudes ont disparu, mails elles sont tout de même moins fortes. On observe une amélioration générale du climat des affaires, aussi bien dans les pays développés (à l’exception de la France…) qu’émergents. Le prix du pétrole et des matières premières a rebondi. Malgré des conditions économiques difficiles, confrontés à des sorties massives de capitaux, les pays émergents ont bien résisté.

Sauf une ou deux exceptions mineures, aucun pays n’a été confronté à une situation de défaut et n’a dû faire appel au FMI. Même le Brésil, pourtant au fond du trou sur le plan politique et économique, a pu continuer à se refinancer sans trop de problèmes. Quant à l’Argentine, elle revient en fanfare sur les marchés de capitaux en lançant un emprunt quatre fois sursouscrit !

Nous faisons le constat suivant : si l’économie mondiale a résiste au choc de l’hiver dernier, c’est qu’elle ne va pas si mal que cela.

En l’absence de choc exogène (crise politique, attentats…), il n’est donc pas impossible que le cycle économique mondial soit sur une pente ascendante. Les marchés d’actions ne nous ont pas attendus pour en prendre acte : le CAC 40 a gagné environ 15% depuis son point bas du 11 février dernier. Après un tel mouvement, une consolidation est toujours possible mais nous sommes plus confiants aujourd’hui que nous ne l’étions il y a six mois.

C’est pourquoi nous avons renforcé récemment notre exposition aux marchés, notamment émergents. La visibilité s’améliore sur le front économique et les devises émergentes demeurent un des rares actifs financiers qui ne soient pas chers.

*Termes de l’échange : prix des exportations – prix des importations

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