Parmi les mesures annoncées par Emmanuel Macron, sur le plan fiscal, les entreprises peuvent demander le report, sans pénalités, du paiement de leurs prochaines échéances d’impôts directs (acompte d’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires).
Cette demande s’effectue à travers un formulaire spécifique, mis en ligne sur impots.gouv, au sein duquel les entreprises justifient de la baisse de leur chiffre d’affaires ainsi que de leurs difficultés de trésorerie.
Si elles ont déjà acquitté celle du mois de mars, elles peuvent encore stopper le prélèvement SEPA ou en demander le remboursement.
La même mesure a été prise pour les cotisations sociales avec un report possible jusqu’à trois mois, gratuitement.
Et, si l’on s’en tient au discours tenu par le Président hier soir, les entreprises « qui font face à des difficultés » ne devraient avoir « rien à débourser, ni les impôts, ni les cotisations sociales ».
A ce jour, le gouvernement n’a pas annoncé de mesures fiscales similaires concernant les particuliers et les travailleurs indépendants, tels que les entrepreneurs individuels, les auto entrepreneurs, les gérants majoritaires de SARL ou de EURL.
Ceci s’explique sans doute par le fait que les particuliers et indépendants peuvent agir par eux-mêmes sur leur taux de prélèvement à la source ou sur leurs acomptes.
Rappelons quelques règles avant de poursuivre :
Hormis les plus-values mobilières et les revenus mobiliers (qui subissent toutefois les prélèvements sociaux à la source et un prélèvement forfaitaire de 12,8 % assimilable à un prélèvement à la source bien que non libératoire), la plupart des revenus entrent dans le champ du prélèvement à la source depuis le 1er janvier 2019.
Dans ce cadre, on distingue :
1. Les revenus de type salaires et pensions de retraite, qui nous sont versés sur notre compte bancaire, une fois l’impôt déduit.
2. Les revenus de type revenus fonciers, BIC, BNC, BA, rémunérations des gérants, pour lesquels un acompte est prélevé par l’Administration fiscale directement sur notre compte bancaire.
Dans les deux cas, le taux de prélèvement est calculé à partir des revenus de l’année N-2 de janvier à août puis, à partir des revenus de N-1 de septembre à décembre.
En revanche, l’assiette à laquelle est appliquée ce taux est différente selon qu’il s’agit de la première catégorie de revenus ou de la seconde.
Pour les revenus de type salaires et les pensions, l’assiette est actuelle car le montant du revenu est connu des collecteurs. Par conséquent, un premier ajustement se fait automatiquement. Mais si la baisse des revenus est conséquente et qu’elle conduit à un taux d’imposition moindre d’au moins 10% (par le jeu de la progressivité du barème), il est possible de moduler le taux à la baisse.
En pratique il s’agit d’indiquer, à travers son espace personnel impots.gouv, les revenus prévisionnels pour 2020, ainsi que ceux de 2019 puisqu’ils ne sont pas encore connus, afin qu’un nouveau taux soit calculé et communiqué à l’organisme collecteur (employeur ou organisme de retraite) si la baisse est supérieure à 10%.
Toute modification avant le 22 mars sera prise en compte dès le mois d’avril.
En temps ordinaire, une erreur supérieure à 10% expose le contribuable à des pénalités. Mais dans le contexte actuel, nous voyons mal le fisc les appliquer, sauf à ce que l’erreur soit flagrante.
Pour les revenus soumis à acompte, l’assiette de calcul ne correspond pas aux revenus actuels mais à ceux connus de l’Administration fiscale, soit ceux de l’année N-2 puis de N-1 selon la période.
Or, ces revenus des indépendants pourraient être plus largement impactés par la crise et la modulation du taux pourrait ne pas suffire.
Dans ce cas, il est possible, à l’instar de l’action sur le taux, de :
- Reporter le paiement de sa mensualité (renouvelable trois fois), gratuitement. La demande est à formuler avant le 22 mars pour avril.
- Reporter le paiement de son acompte trimestriel une fois, si l’on a demandé un paiement par trimestre. Formulation requise avant le 22 avril pour l’acompte du 15 mai.
De la même façon, il est possible pour les professionnels de suspendre le paiement de la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) ou de la Taxe foncière qui sera débitée à l’échéance sans pénalités.
Enfin, du point de vue des cotisations sociales, l’URSSAF a annoncé, entre autres mesures, que l’échéance mensuelle du 20 mars ne serait pas prélevée et serait lissée sur les échéances à venir (d’avril à décembre 2020).
L’enjeu de ces ajustements est de ne pas avoir à subir de l’impôt sur des revenus 2020 non réalisés ; impôt qui ne serait remboursé qu’au cours de l’été 2021.
Sans nul doute, d’autres mesures seront encore annoncées, peut-être à caractère fiscal, comme s’y est engagé le Président lors de son allocution jeudi dernier : « Je veux que nous puissions protéger aussi nos indépendants et donc, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour donner cette garantie sur le plan économique ».
Le « fonds de solidarité pour les entrepreneurs, les commerçants et les artisans » promis hier soir par Emmanuel Macron en est une première illustration.
En attendant, il est important de noter les prochaines dates clés concernant la déclaration des revenus 2019.
Cette déclaration permettra de vérifier si l’impôt pris à la source (en direct ou sous forme d’acomptes) correspond à l’impôt définitif calculé sur les revenus réels et de prendre en compte les revenus hors champ du prélèvement à la source.
En conséquence de quoi, vous ferez l’objet soit d’un remboursement (effectué au cours de l’Eté 2020), soit d’une demande de complément d’impôt (payable entre septembre et décembre 2020) et vos taux de prélèvements et acomptes seront mis à jour.
Nous vous tiendrons informés des principales mesures qui concerneraient vos déclarations de revenus ou de patrimoine immobilier et le paiement de vos impôts (IR, PS et IFI).
Principales dates prévisionnelles pour 2020 :
Attention, les dates indiquées sont estimatives car l’administration fiscale n’a pas encore publié son calendrier officiel. En outre, la situation actuelle pourrait conduire à la mise en place de délais supplémentaires.
Ségolène Roques
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 17 mars 2020