Encadrement des loyers à Paris : un nouvel ELAN

L’encadrement des loyers est à nouveau en vigueur à Paris depuis le 1er juillet.

C’est la loi ELAN, promulguée en 2018, qui remet en place ce dispositif, créé initialement par la loi ALUR et appliqué pendant deux ans à Paris et à Lille de 2015 à 2017, avant d’être annulé par le Tribunal administratif de Paris. Dans sa version actuelle, le dispositif est appliqué à titre expérimental, pour une durée de 5 ans (en théorie…).

Fondé sur le volontariat, c’est aux communes dans lesquelles l’offre de logement n’est pas suffisante, zones dites « tendues », de se manifester pour le rendre effectif. C’est chose faite pour Paris, autorisée par un décret du 13 avril 2019, alors qu’une vingtaine de demandes sont en cours auprès du gouvernement.

Ainsi, tous les contrats de location1 de logements vides ou meublés signés à compter du 1er juillet 2019 et portant sur un bien situé à Paris intra-muros, sont concernés. Il s’agit donc des contrats conclus dans le cadre d’une première location ou d’un changement de locataire, voire d’un renouvellement de bail arrivé à échéance. En revanche, la mesure ne concerne pas les contrats en cours ou les reconductions tacites.

En pratique, ce dispositif contraint les bailleurs à :

 Fixer un loyer, hors charges, en dessous du « loyer de référence majoré » défini par arrêté pour leur bien. Chaque année, sur la base des loyers constatés par l’OLAP (Observatoire des Loyers A Paris), et en fonction du type de location, nue ou meublée, du lieu de situation du bien, du nombre de pièces et de l’année de construction de l’immeuble, il est calculé, par mètre carré, un « loyer de référence médian », un « loyer de référence minoré » et un « loyer de référence majoré ». Ce « loyer de référence majoré » qui constitue un plafond se voit appliquer un coefficient de majoration permettant de louer un peu plus cher si le logement est meublé.

Il est important de noter qu’un complément de loyer est possible pour les biens justifiant de caractéristiques particulières de « localisation et de confort». On peut subodorer qu’une vue exceptionnelle, un balcon ou une terrasse justifieraient un complément de prix mais la loi ne le précise pas. Ce complément de loyer doit être précisé dans le contrat de bail.

– Faire figurer, dans le contrat de bail, le loyer de référence et le loyer de référence majoré. A défaut, le locataire pourrait mettre en demeure le bailleur de se conformer à cette obligation, sous peine de saisir dans un délai de trois mois à compter de cette mise en demeure, le tribunal d’instance afin d’obtenir, le cas échéant la diminution du loyer.

– Continuer à respecter l’autre dispositif d’encadrement des loyers, en vigueur depuis le 1er août 2012 dans toutes les zones « tendues » de France (28 agglomérations) et applicable à la relocation et au renouvellement du bail. Ce dispositif de blocage coexiste donc avec l’encadrement des loyers de Paris. Selon cette règlementation, il est impossible d’augmenter le loyer d’un bien entre deux locataires, au-delà de l’IRL (Indice de Référence des Loyers), sauf les exceptions suivantes :
-> Le cas où il ne s’agit pas de la résidence principale des locataires,
-> Celui où il s’agit d’une nouvelle location ou une relocation après 18 mois sans locataire,
-> Ou, enfin, si le bailleur a réalisé des travaux importants au cours des 6 derniers mois. Dans cette dernière hypothèse, l’augmentation sera limitée ou illimitée selon l’importance des travaux.

et donne la possibilité aux locataires de :

Contester en cas de dépassement du loyer majoré à Paris

Le locataire peut saisir le préfet d’Ile de France, qui enjoindra au propriétaire de réviser son loyer et de restituer le trop perçu, dans un délai de deux mois, sous peine d’une amende de 5 000 euros pour une personne physique ou 15 000 euros pour une personne morale. Cette amende est indépendante d’une éventuelle action du locataire en diminution de son loyer devant le juge d’instance après avoir tenté une conciliation, étape incontournable.

Contester en cas de non-respect, de l’encadrement des loyers à la relocation

Saisir la commission départementale de conciliation d’une action en diminution de loyer. En cas de non-conciliation, ils pourront saisir le juge d’instance.

Si à l’inverse le loyer se révèle très inférieur au niveau du loyer de référence moinoré, il faudra pour le bailleur distinguer deux situations :

S’il s’agit d’un cas de relocation : le bailleur ne pourra pas augmenter le loyer en dehors des cas décrits ci-avant. Il aura la possibilité de saisir dans un premier temps, une commission de conciliation, étape obligatoire avant la saisie du juge. Dans tous les cas, le loyer résultant de la réévaluation devra rester inférieur ou égal au loyer de référence minoré.

– S’il s’agit d’un cas de renouvellement de bail : le bailleur pourra, en vertu de la loi ELAN, appliquer d’office le loyer de référence minoré (mais surtout pas au-delà), à condition de le notifier au moins 6 mois avant la fin du bail au locataire.

L’OLAP a analysé les loyers de 80 quartiers parisiens afin de regrouper ces quartiers par niveaux de loyers et aboutir à un découpage de Paris en 14 zones de loyers homogènes :

Vous pouvez y accéder sous le lien suivant http://www.referenceloyer.drihl.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr, aux trois types de loyers.

Voici également un aperçu du loyer de référence moyen, pour un deux pièces loué nu :

 

Reste que le marché est très disparate et l’on peut se poser la question de la légitimité et de la pertinence de ce dispositif.

La comparaison de certains loyers pose en effet question. Ainsi, un studio loué nu dans un immeuble ancien peut être loué plus cher dans le quartier de la Goutte d’Or (Paris 18ème) que dans celui d’Auteuil (Paris 16ème). Cela illustre que cette réglementation crée un artifice, en rompant la corrélation entre les prix de l’immobilier à l’achat et le rendement des biens déjà très fortement grevé par les hausses d’impôts (augmentation des prélèvements sociaux et durcissement de l’IFI, notamment).

Ensuite, elle risque de décourager les propriétaires à réaliser des travaux d’entretien ou d’embellissement de leur bien, qu’ils ne pourront pas prendre en compte pour fixer le loyer, conduisant ainsi à une dégradation du parc locatif.

Nombreux sont ceux aussi qui seraient tentés de contourner cette règlementation, par exemple en changeant la destination de leur bien, en faveur de la location saisonnière ou de bureaux, mais la réglementation s’est fortement durcie ces dernières années.

Enfin, il créé un peu plus d’insécurité et de complexité juridique (notamment du point de vue de l’articulation avec le dispositif d’encadrement à la relocation), qui s’ajoute à l’insécurité fiscale.

Les opposants à ce dispositif, populaire à 71 % selon un sondage IFOP récent, pourront compter sur l’Union Nationale de la Propriété Immobilière qui a déjà saisi le Conseil d’Etat pour faire annuler le décret du 12 avril. Et affuter leurs arguments en faveur de solutions qu’ils jugeraient plus constructives…

(y compris les baux mobilité mais hors la location saisonnière).

Ségolène Roques
Ingénieur Patrimonial

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