« Election française : l’outsider devenu favori » par Bruno Cavalier

François Fillon, ancien Premier ministre de 2007 à 2012, a largement remporté le 1er tour de l’élection primaire de la droite et du centre et a les meilleures chances d’avoir l’investiture de son parti Les Républicains. Il est ainsi bien positionné pour être finaliste de l’élection présidentielle de 2017, puis pour l’emporter face à Marine Le Pen. Le programme économique de Fillon présenté comme ultra-libéral par ses adversaires de gauche et d’extrême-droite est à peu près celui de la CDU/CSU en Allemagne. Il s’agit de défendre la compétitivité des entreprises et d’être sérieux en matière de finances publique. Dans le cas de la France, ce sont deux choses qu’on n’a pas expérimentées depuis bien longtemps.

Fillon, vainqueur inattendu de la primaire de centre-droit

L’ancien Premier ministre François Fillon a recueilli 44.1% des voix au 1er tour de la primaire de la droite et du centre, devançant largement Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Ces dernières semaines, son positionnement et ses bonnes performances dans les débats télévisés l’avaient fait passer de la position d’outsider (≈15% des intentions de vote il y a un mois) à celle de rival des deux favoris ((≈25-30% des intentions de vote à la fin de la semaine dernière). Il termine en fait grand vainqueur, à la grande surprise des observateurs et des acteurs de la vie politique. La dynamique de campagne et l’arithmétique électorale lui prédisent une large victoire lors du 2ème tour de cette primaire dimanche prochain (tableau). Ainsi donc, il est encore possible dans nos vieilles démocraties occidentales qu’un candidat calme, prévisible et qui ne cède pas au populisme le plus outrancier puisse remporter une victoire électorale, et même une large victoire. C’est une chose qu’on avait presque oublié après les succès des Brexiteers en juin dernier et de Donald Trump il y a quelques jours.

  • Implications politiques. Si François Fillon emporte l’investiture du parti de centre droit, Les Républicains, comme il est désormais très probable, c’est à première vue une mauvaise nouvelle pour les autres forces politiques qui jusqu’à ce jour n’avaient pas du tout prévu ce scénario et qui devront revoir leur stratégie.

    Au Front National, on aurait préféré affronter soit Alain Juppé, qui pouvait être attaqué pour ses positions jugées trop molles sur les questions de sécurité, d’islam et d’immigration, soit Nicolas Sarkozy. Le risque de fuite des électeurs de droite vers l’extrême-droite paraît plus faible avec un candidat qui assume un programme des plus conservateurs en matière sociale et en matière de sécurité.

    Pour le Parti socialiste, l’adversaire idéal aurait été bien évidemment Sarkozy pour au moins trois raisons. Primo, l’ancien président suscite des réflexes de rejet quasi pavloviens dans l’électorat de gauche. Secundo, de nombreuses affaires judiciaires le menacent. Tertio, une victoire de Sarkozy chez les Républicains aurait ipso facto entraîné une candidature dissidente au centre. Pour François Hollande, le scénario Juppé ou le scénario Fillon sont à peu près équivalents. On ne sait toujours pas à ce jour si l’actuel chef de l’État se présentera à sa succession tant sa popularité est basse, y compris dans son propre parti. Pour Emmanuel Macron qui a annoncé la semaine dernière sa candidature en indépendant, le scénario Juppé avait le mérite de renforcer l’image de renouveau de sa candidature. L’un a 38 ans, l’autre 71.

    Considéré jusqu’à hier comme un candidat secondaire, François Fillon a une cote de popularité plus élevée que la plupart de ses futurs adversaires (graphe de gauche) et ce n’est pas un pari déraisonnable de penser que cette cote va monter. Au total, si le nom du champion de la droite n’est pas celui qui ressortait jusqu’alors des sondages, cela ne bouleverse pas le scénario politique central qui est celui d’un duel droite vs extrême-droite au printemps prochain, avec à la clé une victoire de la droite. Le seul scénario de victoire pour Marine Le Pen est celui d’un effondrement du taux de participation au 2ème tour de la présidentielle2, un scénario qui ne s’est historiquement jamais produit et qui n’a pas de raison de se produire si la droite est représentée par François Fillon.

  • Implications économiques. Le programme économique de François Fillon est une réponse au constat que la France souffre de deux problèmes structurels principaux : le manque de compétitivité des entreprises, ce qui a des répercussions sur la création d’emplois, la situation dégradée des finances publiques, en particulier à cause d’un poids excessif des dépenses des administrations (graphe de droite).Les propositions qui ont le plus retenu l’attention sont les suivantes : mise en place d’une TVA sociale (hausse de deux points du taux de TVA finançant une baisse de charges pour les entreprises), abolition de l’impôt sur la richesse, réduction du nombre de fonctionnaires, augmentation de la durée du travail, augmentation de l’âge légal de départ en retraite, dégressivité des indemnités d’assurance-chômage. Ce sont les réponses standard d’un programme d’économie de l’offre.

    Dans les premières réactions de la gauche et du Front National à la victoire de Fillon, on a vu se dessiner ce que sera le principal angle d’attaque contre lui : son programme serait ultra-libéral (ultra étant souligné dix fois) et ne promettrait aux Français que du sang, de la sueur et des larmes. En fait, les propositions économiques de Fillon, présentées comme extrêmes voire apocalyptiques en France, sont à peu près celles de la CDU/CSU en Allemagne. Au plan économique, Fillon représente la meilleure chance de rapprochement avec l’Allemagne, perspective qu’on peut difficilement considérer comme négative pour l’Europe.

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