Boris « Brexit » Johnson : Le conservateur révolutionnaire par Hugues de Montvalon – Oddo Banque Privée

« CEUX QUI CROIENT QUE LES PEUPLES SUIVRONT LEURS INTERETS PLUTOT QUE LEURS PASSIONS N’ONT RIEN COMPRIS AU XXe SIECLE »

Boris Johnson aime l’Europe. Il estime cependant que l’UE est devenue un monstre technocratique, sur lequel les gouvernements et les peuples n’ont plus de prise.

Il faut lire la biographie de Winston Churchill par Boris Johnson, le maire de Londres. C’est un livre extrêmement intéressant qui renouvelle le genre. Ce qui a fait la force de Churchill, c’est d’avoir été un pur produit de l’establishment britannique – descendant du duc de Marlborough, vainqueur des Français durant la guerre de succession d’Espagne – en même temps qu’un anticonformiste, doté d’une créativité et d’une énergie hors du commun. Un conservateur révolutionnaire, en quelque sorte. Enfin, c’est comme ça que Boris Johnson présente Sir Winston.

C’est probablement aussi comme cela que se voit lui-même le maire de Londres. Et c’est ce qui fait la force de son engagement pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne (UE), le fameux Brexit. Loin des discours hystériques des tabloïds, les arguments de Boris Johnson en faveur du Brexit ne manquent pas de finesse et sont exempts de cette acrimonie vindicative dont est souvent teinté l’euroscepticisme britannique.

BORIS JOHNSON AIME L’EUROPE – C’EST D’AILLEURS AINSI QU’IL COMMENCE SA PROFESSION DE FOI EN FAVEUR DU BREXIT

Il estime cependant que l’UE est devenue un monstre technocratique, sur lequel les gouvernements et les peuples n’ont plus de prise. Il ne néglige pas les risques que pose le Brexit, mais dessine (de manière un peu floue, il est vrai) l’avenir d’une Grande-Bretagne, de nouveau libre de ses mouvements, « associée mais non pas absorbée à l’Europe ».

Le camp des partisans du maintien au sein de l’UE s’appuie essentiellement sur des arguments d’essence économique : le Brexit coûterait cher en termes de croissance et d’emploi.

– Il est vrai qu’à notre connaissance, toutes les études sérieuses vont dans le même sens : le Royaume-Uni n’a rien à gagner à sortir de l’UE.

– C’est d’ailleurs pour cela que l’essentiel des patrons des sociétés du FTSE 100 a pris fait et cause contre le Brexit, tout comme la presse de qualité – le Financial Times et The Economist sont partisans du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union.

– Il va de soi que la City est massivement hostile au Brexit car elle y perdrait un accès privilégié aux marchés de capitaux de l’Union.

Toutefois, pour reprendre la réponse de Raymond Aron à des interlocuteurs qui arguaient que l’intérêt économique des Algériens était de rester attachés à la France, « ceux qui croient que les peuples suivront leurs intérêts plutôt que leurs passions n’ont rien compris au XXe siècle », ni au XXIe, rajoute Pierre Hassner dans son livre « La violence des passions », d’où est tirée cette référence.

CERTES LA GRANDE-BRETAGNE DE 2016 ET L’ALGERIE DE 1960 ONT PEU DE CHOSES EN COMMUN : IL N’EN EST PAS MOINS VRAI QUE LE BREXIT NE PEUT SE REDUIRE A UNE QUESTION DE POINTS DE PIB EN PLUS OU EN MOINS

Nous y voyons aussi la manifestation d’un mouvement plus général qui, de Donald Trump à Marine Le Pen, en passant par le parti PiS au pouvoir en Pologne, voit l’émergence d’un populisme volontiers nationaliste, hostile à la mondialisation et aux institutions transfontalières.

La force de Boris Johnson est justement de pouvoir transcender ce populisme et de proposer autre chose que le simple retour fantasmé au splendide isolement britannique. Comme son mentor Churchill, le maire de Londres est un pur produit de l’establishment britannique. C’est un ancien élève d’Eton et d’Oxford, où il a côtoyé l’actuel Premier Ministre David Cameron.

A ce titre, il peut séduire la frange des eurosceptiques nostalgique d’une Grande Bretagne éternelle, coincée entre l’autobus à l’impériale, la sauce à la menthe et le vert gazon des stades de cricket. Mais c’est aussi un profond original, bourré d’humour et de fantaisie, comme seule la Grande-Bretagne sait en fabriquer.

JUSQU’ICI, LES ANGLAIS AVAIENT LE CHOIX ENTRE L’EUROSCEPTICISME RANCE DE UKIP, LE PARTI POPULISTE DE NIGEL FARRAGE ET LE STATU QUO AMELIORE, MIS EN AVANT PAR DAVID CAMERON 

Boris Johnson leur offre désormais une 3e voie, fondée sur une passion positive. A en juger par les réactions du marché, cette voie-là renforce les chances du Brexit. En effet, depuis que le maire de Londres a annoncé son soutien au Brexit le week-end dernier, le Sterling a chuté aussitôt contre l’euro pour revenir à son plus bas depuis 2009.

Rédigé le 26 février 2016
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