La rentabilité de l’immobilier locatif : constats et solutions d’optimisation

L’immobilier représente aujourd’hui environ 60 % du patrimoine net des français, soit plus de 10 000 milliards d’euros1 . Il n’est donc pas étonnant que les gouvernements qui se succèdent y consacrent de l’attention et apportent chacun leur pierre à l’édifice des prélèvements et dispositifs fiscaux.

Le gouvernement actuel n’échappe pas à la règle puisqu’il a réformé l’Impôt sur la Fortune pour le cantonner à l’immobilier, tout en en durcissant les règles.

Parallèlement, il a maintenu un niveau élevé de prélèvements sur les loyers ne cachant pas son intention de combattre la « rente immobilière » dans la mesure où elle ne contribue pas à financer « l’économie réelle » CQFD… Même si nous ne contredisons pas que la création de richesse se fait au sein des entreprises.

Ce sont donc presque 100 milliards d’euros par an soit 10 % du total des prélèvements obligatoires qui trouvent leur source à chaque étape de la détention d’un bien immobilier.

Petite revue:

Au moment de l’acquisition : les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 5.81 % en général ou la TVA de 20 %, pour les biens neufs.

En cours de détention, avec une récurrence annuelle : 

– Ce sont les impôts locaux, notamment, la taxe foncière, la taxe d’habitation, la taxe sur les logements vacants et la surtaxe sur les résidences secondaires.

– Ce sont les impôts sur les loyers : impôt sur le revenu au barème auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux désormais de 17,2 % et éventuellement, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR).

– Et si la valeur nette de son patrimoine immobilier dépasse 1 300 000 euros au 1er janvier de l’année, c’est l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui s’applique dès 800 000 euros.

Au moment de la cession (hormis la résidence principale) : 

L’impôt sur le revenu (IR) s’applique à la plus-value éventuellement abattue pour durée de détention au taux forfaitaire de 19 %, complété, pour les plus-values supérieures à 50 000 euros, par une taxe de 3 à 6 %. Les prélèvements sociaux de 17,2 % sont calculés sur la plus-value également abattue mais selon un échéancier différent de celui de l’IR. Ainsi, il faut 22 ans pour exonérer  la plus-value d’IR, mais il faut 30 ans pour l’exonérer de prélèvements sociaux. Sans oublier la CEHR (3 puis 4%), susceptible de s’appliquer à tous les revenus, y compris la plus-value de cession de la résidence principale.

Au moment de la transmission :

Le barème des droits de mutation à titre gratuit (droits de donation, droits de succession) est progressif ou proportionnel. Le taux de 45 % est le plus élevé dans le cadre d’une transmission de parent à enfant pour un patrimoine successoral reçu supérieur à 1 805 677 euros par enfant.

Face à ce niveau de prélèvements, inégalé en Europe, il est légitime de se poser la question de la rentabilité de l’immobilier.

Ainsi, nous avons mesuré la rentabilité nette d’impôts selon différentes configurations, à partir des hypothèses suivantes :

– Location nue d’un bien d’une valeur de 900 000 €

– Loyer annuel brut (4%) : 36 000 €

– Charges de copropriétés non récupérables et assurance (10 %) : 3 600 €

– Travaux d’entretien (15 %) : 5 400 €

– Taxe foncière (5%) : 1 800 €

– Pas d’emprunt

Soit un total de charges représentant 30 % du loyer brut, conduisant à une rentabilité nette avant impôts de 2.8 %.

Le tableau ci-dessous recense le taux de rentabilité net de charges et net d’impôts, en fonction de la tranche d’imposition marginale (TMI) du contribuable à l’IR et à l’IFI :

La lecture de ces résultats montre que la taxation des revenus fonciers étant très forte,  la rentabilité nette finale est souvent inférieure à 1 %, voire négative pour des contribuables soumis à l’IFI.

Pourtant, ces calculs n’intègrent pas tous les éléments et notamment :

– Les frais de gestion, si on délègue la gestion à une agence ou un syndic (souvent de l’ordre de 10 % du loyer brut).

– Le taux de vacance entre deux locataires.

– L’encadrement des loyers, dont le premier dispositif, annulé par le Tribunal administratif de Paris et la Cour d’appel, est en cours de réintroduction à travers la loi ELAN qui devrait être promulguée d’ici peu. Ce dispositif risque de contraindre de nombreux propriétaires à revoir leurs loyers à la baisse, notamment dans les grandes villes.

Quelles sont les pistes d’optimisation envisageables ?

Arbitrer ses actifs immobiliers en faveur d’actifs financiers :

Cette opération a d’autant plus de sens si vous détenez un bien depuis longtemps. Dans cette hypothèse, pour la plus-value les abattements joueront jusqu’à une totale exonération au terme de 30 ans.

D’un point de vue économique, de nombreux actifs financiers ne présentent pas plus de volatilité ou de risque qu’un investissement immobilier, voire pour certains, offrent une garantie en capital que l’immobilier ne connaît pas (les investisseurs des années 1990 s’en souviennent).

Tel est le cas des actifs en euros accessibles à travers les contrats d’assurance-vie ou de capitalisation, qui, outre leurs avantages fiscaux (capitalisation des revenus et plus-values, flat tax et transmission) présentent une garantie en capital par l’assureur. 

Ces derniers délivrent souvent un rendement net de frais et d’impôts qui rivalise largement avec le rendement de l’immobilier.

D’un point de vue fiscal, la Flat Tax s’applique désormais à tous les revenus et plus-values financiers, substituant ainsi un taux d‘imposition de 12.8 % à votre taux marginal d’imposition (compris entre 14 et 45 % si vous êtes imposable), sans condition de durée. Auxquels se superposent les prélèvements sociaux, pour une Flat Tax globale de 30 %.

Refinancer son bien :

A travers une société (SCI ou SARL de famille), avec le levier du crédit également, logé dans la société. Cette opération pourrait correspondre à ceux qui ont également un objectif de transmission (optimisation par la prise en compte du passif social dans la valorisation des parts transmises) ou de capitalisation des revenus.

Apporter son bien à une structure à l’impôt sur les sociétés (IS) dans une optique de capitalisation de revenus qui ne seraient pas utiles à votre niveau de vie courant. (La diminution de l’IS et Flat Tax sur les dividendes sont particulièrement favorables à cette opération).

Opter pour le statut de loueur en meublé non professionnel, voire professionnel

– La location meublée a un caractère commercial, fiscalement parlant, même sans caractère professionnel. Les recettes sont donc imposées dans la catégorie des BIC qui comporte un régime micro favorable par rapport au micro foncier (recettes maximales de 70 000 € et abattement de 50 % en micro BIC), mais surtout, la possibilité d’opter pour un régime réel très avantageux. En effet, ce régime permet de déduire davantage de charges et notamment, de prendre en compte l’amortissement de l’immeuble et des meubles pour le calcul du bénéfice imposable.

La prise en compte des amortissements est d’autant plus appréciable qu’aucune reprise de ces derniers n’est effectuée en cas de cession du bien ; la plus-value étant soumise aux règles des plus-values immobilières des particuliers et non des professionnels.

– Le statut du loueur en meublé professionnel est plus restrictif. Il ne s’agit plus seulement ici de louer un bien équipé mais de tirer de la location un minimum de 23 000 € de recettes brutes annuelles représentant la majeure partie de ses revenus d’activité (pensions de retraite comprises) et d’être inscrit à ce titre au registre du commerce et des sociétés.

Si ces conditions sont remplies, les avantages sont nombreux : 

Imputation des déficits sur le revenu global sans limite, exonération d’IFI. Attention la condition sur l’importance des revenus est durcie du point de vue de l’IFI. Ce sont en effet les recettes nettes imposables qui sont prises en compte et non les recettes brutes.
Concernant la plus-value, elle serait imposée comme une plus-value professionnelle (imposition à la Flat Tax de 30 %  depuis le 1erjanvier 2018 mais avec prise en compte des amortissements) et avec la possibilité d’une exonération d’IR si l’activité est exercée depuis plus de 5 ans et que les recettes ne dépassent pas 90 000 €. Notez que les prélèvements sociaux restent dus dans tous les cas.

Donner, sans réserve d’usufruit :

– Vous anticipez la transmission de votre patrimoine en faisant sortir le bien de votre patrimoine taxable à l’IFI. Mais attention, vous vous dessaisissez irrévocablement de votre bien et de ses fruits (loyers).

Si telle n’est pas votre intention, et si cela est justifié économiquement, vous pouvez envisager la donation temporaire d’usufruit, qui vous fera parvenir aux mêmes fins pendant une période déterminée.

Vendre en viager, avec un bouquet :

La vente en viager consiste pour le vendeur (crédirentier) à céder la propriété d’un bien à un acquéreur (débirentier) en contrepartie du versement d’une rente viagère, éventuellement complétée par le versement d’une somme d’argent, dit « bouquet ».

Le bien cédé peut être libre ou occupé, le crédirentier pouvant se réserver un droit d’usage ou d’habitation sur le bien. Dans ce cas, seule la valeur d’usufruit (CGI 669) serait imposable à l’IFI entre ses mains.

Il existe autant de solutions que de situations particulières. Chacune doit être attentivement analysée, au regard de ses propres objectifs, de ses contraintes et de ses goûts personnels.

La question de l’évolution des prix du marché immobilier doit être posée, notamment eu égard à l’évolution des taux, à l’inflation et aux différents aspects économiques et sociaux de la zone géographique concernée.

Source : rapport de la commission des comptes du logement paru en juillet 2018.
2 Liste des prélèvements non exhaustive, en particulier ne concerne pas la location meublée ou saisonnière.

Ségolène Roques
Ingénieur Patrimonial

ODDO BHF Banque Privée

  • Ségolène Roques, auteur de cet article, fait partie de l’équipe de fiscalistes de ODDO BHF Banque Privée.
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