La chronique des marchés – Dans l’ère des taux négatifs par Hugues de Montvalon – Oddo Banque Privée

Les pays industrialisés sont entrés dans une ère de taux bas, voire de taux négatifs. Il ne s’agit pas seulement des taux des banques centrales, des taux monétaires, mais également des taux des emprunts d’Etat.

– A un horizon 5 ans, la majeure partie des emprunts souverains européens de notation Investment Grade (notation supérieure ou égale à BBB-) offre désormais un rendement négatif.
– Si l’on veut trouver des rendements supérieurs à 1 %, il faut traverser l’Atlantique et acheter des T-bonds américains qui rapportent généreusement 1,25 % à l’horizon 2021.
– On peut aussi traverser le Pacifique et investir sur la dette australienne (2,05 %, quelle prodigalité !), mais attention, lors de ce voyage transpacifique, de ne pas se tromper de destination, sinon on se retrouve avec des Japanese Government Bonds, emprunts japonais, dont le rendement est de -0,15 % à 5 ans.

POURQUOI LES TAUX DE RENDEMENT SONT-ILS SI BAS ?

La 1ère explication qui vient à l’esprit est d’incriminer les banques centrales et leurs politiques ultra-accommodantes, le fameux « Quantitative Easing », QE, qui consiste à acheter des emprunts publics, achats financés par la planche à billets.

Toutefois, cette explication est partielle.
– Tout d’abord, depuis le début de l’année, aucune banque centrale n’a augmenté son programme de QE ; au contraire, la Fed est toujours officiellement engagée dans un mouvement de resserrement monétaire. Et pourtant, les rendements obligataires ont baissé depuis le début de l’année, de 40 points de base aux Etats-Unis et de 10 à 40 points de base ailleurs.
– Surtout, force est de constater que ni la Suisse ni la Suède ni le Danemark n’ont de QE, et pourtant les rendements des emprunts d’état sont largement négatifs dans ces pays.

ATTENTION DEFLATION !

Le rendement d’une obligation à 5 ans peut se décomposer comme la somme actualisée de placements monétaires cumulés pendant 5 ans, plus une prime de risque.

– Donc, si les taux de rendement à 5 ans sont faibles ou négatifs, c’est que les investisseurs anticipent que les taux monétaires, qui sont eux fixés par les banques centrales, resteront nuls ou négatifs.
– Autrement dit, les investisseurs anticipent que sur les années qui viennent, les banques centrales seront obligées de maintenir des politiques ultra-accommodantes pour lutter contre les forces déflationnistes qui menacent les économies développées.

Le message que nous renvoient les courbes des taux des pays industrialisés a le mérite de la clarté : nous sommes dans un univers déflationniste ; pas ou peu de hausse des taux avant longtemps.

L’IMPORTANCE DE LA PRIME DE RISQUE

On peut toutefois se demander quel est l’intérêt d’investir dans des emprunts qui ont un rendement négatif, alors qu’il suffit d’avoir des billets de banque dont la valeur nominale au moins ne se déprécie pas.

Dans la vie réelle, les choses sont en fait beaucoup plus compliquées que ça…

Un particulier peut garder à la limite quelques milliers d’euros chez lui, mais guère plus.
– D’abord, l’argent liquide attire des convoitises proportionnelles aux liquidités détenues chez soi.
– N’oublions pas non plus que dans de nombreux pays, l’usage du cash se réduit.
– En France, il n’est pas légal de régler en liquide des dépenses supérieures à 1000 €. Aux Etats-Unis, sans carte de crédit, on est perdu…

Les particuliers placent donc leur argent chez un institutionnel.
– Celui-ci ne peut se permettre de garder l’épargne qui lui est confiée sous forme d’argent liquide à la banque. Le risque est trop important. Et puis les banques ne courent plus tellement après les dépôts.
– On peut donc considérer le rendement négatif du Bobl(1) allemand ou du BTAN français comme le coût payé in fine par l’épargnant pour la location d’un coffre fort donnant accès à une liquidité immédiate.
– Et intuitivement, on sent bien que le coffre-fort allemand est de meilleure qualité que le français ou l’italien, d’où une prime de risque plus élevée sur ces deux pays.

Le plus beau coffre-fort, celui vers lesquels les épargnants du monde entier se bousculent pour y mettre leur épargne, c’est le coffre-fort suisse. Pour la magie du franc suisse, plus solide que l’euro, plus tranquille que le dollar, plus accessible que le yen, les épargnants sont prêts à perdre 0,80 % par an sur leurs placements à cinq ans.

QUE FAIRE DANS CET ENVIRONNEMENT ?

Dans une optique tactique, à court terme, il peut être intéressant d’acheter des emprunts d’Etat, pour se mettre à l’abri, face à une tempête boursière.

A moyen terme, cela n’a aucun intérêt, si ce n’est la certitude de perdre de l’argent. Et ce n’est pas sans risque. Le prix des obligations varie en effet de façon inversement proportionnelle à leurs taux de rendement. Le Bobl allemand 2,5 % 2021 offre un taux de rendement de -0,3 %, ce qui correspond à un prix de 113,80. Si le taux remonte à 0 % (là où il se situait il y un mois), le prix du Bobl retombera à 112,20, soit une perte en capital de 1,4 %. Et si le taux remonte à 0,30 %, la perte en capital atteindra 2,7 %. Bien sûr, de tels mouvements ne sont pas à l’ordre du jour, mais qui peut dire que cela n’arrivera pas ?

Pour notre part, nous faisons le constat suivant :
– sur les cinq dernières années, entre le 29 janvier 2010 et le 29 janvier 2016, investir sur des emprunts d’état 3-5 ans de la zone euro a rapporté 23 %.
– sur la même période, investir sur le fonds Oddo Avenir a rapporté 87 %.

Les rendements passés ne présagent de l’avenir. Néanmoins, sur les cinq prochaines années, nous savons avec certitude qu’investir sur des emprunts d’état 3-5 ans de la zone Euro ne rapportera au mieux que pas grand-chose. Peut-être que Oddo Avenir Europe ne rapportera pas 80 %, comme il l’a fait sur ces cinq dernières années, mais il fera probablement beaucoup, beaucoup mieux que pas grand-chose.

Rédigé le 5 février 2016
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